La Gendarmerie royale à la recherche de bandits fictifs

Publié par Simona Plopeanu Juin 2015

Dans son premier et unique livre, Fortuna Star, l’écrivain québécois d’origine roumaine Anton Anghel a accompli plusieurs exploits. Premièrement, ce roman publié en 1993 par la prestigieuse maison d’édition VLB a attiré l’attention des critiques littéraires – qui l’ont comblé de louanges dans Lettres Québécoises, Voir, La Presse ou Le Journal de Montréal – et il est devenu rapidement un best-seller. Deuxièmement, ce thriller philosophique a été sur le point de mettre en prison son auteur, un tas de vrais policiers courant après ses personnages fictifs. Cette année, Fortuna Star est relancé grâce à une réédition, publiée à compte d’auteur par le Studio C1C4, en double version, papier et électronique.

On pourrait sans hésiter dire que la vie d’Anton Anghel a été elle-même un roman. En Roumanie, il a connu les prisons communistes après deux tentatives avortées de fuite à l’étranger. Plus tard, au Québec, il purgera sept années de prison pour avoir organisé un hold-up sur un camion blindé transportant l’argent d’une banque, – ce qui sera le noyau de son futur roman. Après sa libération, il est placé sous surveillance par la police qui, en perquisitionnant son logement, découvre un jour la liste mentionnant les noms de « bandits » et le plan du bâtiment qui allait vraisemblablement se faire attaquer. La Gendarmerie royale révèle le danger et met en alerte le F.B.I. et l’Interpol pour chercher les malfaiteurs. Au procès, il se trouve que tout le monde aura couru après des bandits imaginés par Anton Anghel pour le roman qu’il écrivait alors, Fortuna Star. Dans une chronique publiée dans Timpul (juillet 2007), l’écrivain et critique littéraire Mircea Gheorghe affirmait que l’originalité de ce roman consiste dans son caractère polyphonique: un premier niveau figure un roman d’action, auquel on ajoute une touche de roman chevaleresque (possible persiflage du post-modernisme), la troisième couche étant philosophique (l’interprétation que le personnage principal du roman donne aux événements et à la vie en général).

Riche en confrontations, violence et sexe – des ingrédients indispensables à une prose de succès – le roman plonge aussi dans l’univers des contes de fées et de la mythologie, dans un jeu qui pousse l’imagination du lecteur vers ses limites. Les natures heureuses apprécieront l’humour, les autres trouveront leur dose de mélancolie avec ce livre dont la lecture ne laisse personne indifférent.

Œuvre fictive, malgré ses aspects autobiographiques, Fortuna Star a été le premier et le dernier roman publié par Anton Anghel qui s’est retiré soudainement de la vie publique peu après la sortie du livre. Mort en 2011, l’auteur a laissé derrière lui plusieurs projets inachevés. Récemment, sa famille (sa femme et son fils) a décidé de publier une seconde édition de ce roman à propos duquel Anton Anghel avouait, dans une entrevue accordée toujours à Mircea Gheorghe (Timpul, novembre 2008) : « J’ai investi dans Fortuna Star huit ans de ma vie. Ce n’est pas un roman qu’on peut répéter tous les deux ans, sous une forme différente. Pour moi, un grand roman, un roman "total" est une étape de vie. En finir l’écriture, c’est comme revenir du front : tu es surpris d’être encore en vie. »

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